"Ça aurait du être la dernière semaine ; sans le savoir je vais aujourd'hui vivre mes ultimes instants sur mon vélo"


Ce matin je me réveille à 7h30. La nuit a été bonne et je me lave tranquillement le visage à l'eau chaude avant de m'attacher les cheveux. Landry est déjà parti travailler et Mathilde se lève à peine quand je me rends à la salle à manger pour petit-déjeuner. Je bois un grand bol de chocolat chaud accompagné de plusieurs biscottes et prends des forces certaines pour la nouvelle journée de vélo. Aujourd'hui, je terminerai l'EV5 à Cernay et atteindrai le début de l'EV6. Sur ces prévisions je range les affaires, descends les sacoches avec l'aide de Mathilde puis charge le vélo. Je la remercie beaucoup pour ce super séjour dans leur appartement et quitte Colmar dans la foulée.

Je débute l'étape sous une fine pluie qui ne dure pas et mouline en douceur. Au bout de 20 minutes de lignes droites à côté des voitures j'atteins enfin les vignes dorées et retrouve le calme de la nature. Comme toujours, j'apprécie les lieux et découvre sous un nouvel angle le paradis jaune. Cette fois le soleil est de sortie et ses rayons éclairent le haut des collines d'une bien belle manière. Je capture ce paysage avec mon téléphone et continue la piste qui suit un long moment la 4 voies. Le bruit généré par les véhicules rend le parcours beaucoup moins attrayant et je m'écarte finalement de ce brouhaha, au village de Rouffach, en tournant à l'Ouest. Immédiatement, je progresse au pied d'un décor composé de vignes en forte pente et de multiples sommets ennuagés. Je traverse lentement la zone car la route monte légèrement jusqu'à Soultzmatt puis redescends sur Issenheim. Les cépages laissent place à de nombreux lotissements et je fais face à une piste désagrégée, sans arrêt entrecoupée de différentes couches de goudron créant de nombreuses secousses. Passé ce secteur moins agréable, je coupe sur mon tracé pour atteindre directement Soultz Haut Rhin et dis au revoir aux vignes dorées pour cette année. Le spectacle aura été de taille en cette période automnale. Je continue donc mon chemin au milieu des champs de cultures, verts.

Sans transition, j'entame une portion compliquée où je dois affronter pendant une quinzaine de minutes le puissant vent de face. Ce dernier me cloue littéralement sur place, m'obligeant à dépenser beaucoup de forces pour avancer. Ce n'est plus le cas lorsque je m'enfonce de nouveau dans les lotissements jusqu'à Cernay. Une fois au centre-ville je file à l'auberge boire mon café et écrire sur le carnet de voyage. Au chaud, je mange mon repas puis repars à 13h30 sous un soleil étincelant. Je sors du village et pique droit au Sud en direction de l'EV6. Contrairement à ce matin, l'itinéraire sur lequel j'évolue est dépourvu de côtes et j'avance en ligne droite sur des routes de campagne. La seule difficulté que je rencontre est la 2x2 voies que je dois habilement esquiver à 2 reprises. La plupart du temps, je roule à côté des voitures mais après tous ces jours de périple, je suis habitué. Malgré le vent qui souffle toujours autant j'arrive à 14h30 à Balschwiller puis poursuis jusqu'à Hagenbach. Finalement, j'atteins le canal du Rhône au Rhin et l'EV6 par la même occasion : objectif accompli.

Maintenant, je n'ai plus qu'à trouver un coin sympa pour la nuit. Après une petite analyse de la situation, je ne continue pas le long des eaux mais roule en direction du stade. Ainsi, je débusque un emplacement spacieux et calme à l'abri des regards. C'est parfait et je fais sans plus attendre sécher ma tente avant de monter le camp. Je range ensuite les affaires, use de ma plume sur le carnet et exerce le saint rituel. Une fois terminé je me prépare un bon repas à base de riz au pesto rouge. Je ferme la tente pour la soirée et commence à prévoir plus en détail la dernière semaine de vélo. À cet instant précis mon frère Thibaud m'annonce la nouvelle au téléphone : nous sommes reconfinés à partir de vendredi. Mince ! Je m'y attendais plus ou moins mais suis quand même étonné. Continuer de voyager n'a plus lieu d'être et je réagis vite en appelant mon ami Dylan. Ensemble, nous fixons l'ultime objectif du voyage : déguster des pâtes au pesto dans sa maison. Je réserve dans la foulée mes billets de train et m'endors calmement en pensant aux incroyables aventures vécues ces 3 derniers mois.

Finalement, ce voyage se terminera comme il a commencé : d'un coup d'un seul. Demain sera donc mon dernier jour. Je chevaucherai ma fidèle monture et ferai en sorte d'apprécier le moindre de mes coups de pédale, avant de prendre un repos mérité, au chaud, à la maison.