"Après 50 jours de vélo sous les bons et loyaux services du soleil, je roule pour la première fois sous la pluie. Je vis sans arrêt de nouvelles expériences et celle du jour est très aquatique"


Ce matin, il est 6h00 et je ne dors déjà plus. La pluie tombe sur ma tente depuis un long moment et le bruit qu'elle engendre m'empêche de refermer l'œil. Je tourne sans cesse dans mon duvet et finis par quitter le monde de Morphée. Je me plonge alors dans le récit de la veille jusqu'à 7h00 et lui apporte quelques modifications. Je sors ensuite illico presto pour faire pipi puis rentre vite au sec dans la tente. Au vu de la journée que je m'apprête à vivre, le café m'est nécessaire. Je replie les affaires, sauf celles de pluie, que je mets de côté. Aujourd'hui est un grand jour car après tout ce temps empaquetées dans mes bagages, elles vont enfin se rendre utiles : je suis impatient de tester leur efficacité. Je me vêts donc pour la première fois de mes sur-chaussures, mon pantalon et ma veste imperméables. Pour finir, j'ajoute un gilet réfléchissant par-dessus ma veste histoire que même les automobilistes les plus fous me voient arriver. Je charge tout sur le vélo et c'est parti : je donne mes premiers coups de pédale sous la flotte. Heureusement pour moi, l'averse n'est pas encore trop forte et c'est largement supportable.

Je reviens dans le centre de Hillion et tourne directement sur la piste. Je roule alors sur des petites routes de campagne passant le long de fermes et champs de cultures. Pour l'instant, je suis bien au sec dans mes vêtements et seul mes lunettes ont quelques problèmes d'évacuation d'eau : je ne vois pas grand chose du paysage. J'utilise mes doigts comme des essuie-glaces pour me permettre de recouvrir la vue. Malgré les difficiles conditions climatiques du jour, je ne rate pas un panneau d'indication : je commence à être expert en la matière. À 10h30, j'arrive au port de plaisance de Pléneuf Val André et fais une courte pause. Je mange une barre de céréale puis replace ma sacoche avant gauche qui a la fâcheuse tendance à glisser le long du porte-bagage. Je repars aussitôt en direction du Cap Fréhel avant que plusieurs difficultés se dressent sur mon chemin. Pour commencer, je n'ai aucune indications cohérentes au-dessus du village de Plurien. Je cherche donc ma route en m'aidant une nouvelle fois de mon fidèle GPS. Ensuite, une succession de fortes montées me rappellent l'exigence de la piste bretonne. Je mouline fort pour les franchir en peinant le moins possible. Enfin, l'eau s'est accumulée entre mes pignons et la chaîne grince à chaque changements de vitesse. La pluie tombe par intermittence et je passe d'une bonne à une mauvaise visibilité. L'étape est pour le moins compliquée mais le vent des deux derniers jours s'est calmé et je suis content de ne pas l'affronter encore aujourd'hui.

Après 1h30 de pédalage j'atteins finalement le Cap Fréhel. Les alentours sont impressionnants : une petite route de côte monte le long des abruptes falaises défiant la Manche. De la gravette défile sous mes roues et son humidité me fait légèrement patiner : je dois bien appuyer sur les pédales. J'arrive au point le plus haut de l'itinéraire puis change complètement d'orientation. Je redescends au niveau de la mer en alternant entre voies vertes et voies partagées. Une fois en bas, une très belle route en bord de falaise, peu fréquentée, s'offre à moi. Je me stoppe un instant pour soulager un besoin naturel et faire une pause. J'ai déjà passé les 50 km au compteur. De la pluie est aussi annoncée en fin de journée et une nuit supplémentaire dans la tente trempée ne me paraît pas être la meilleure option. Je veux donc atteindre rapidement Matignon pour étudier la situation. J'entame alors le dernier tronçon de route constitué de grosses descentes ainsi que de faux plats montant qui n'en finissent pas. Mes jambes sont lourdes et je commence à fatiguer. Finalement, je déboule à 13h30 sur la place de l'église, en forte côte, et me stoppe sous le préau du village. Je prends un repos mérité après 58 km de vélo ce matin et dévore instantanément mon repas. J'écris un instant les aventures et une fois bien reposé, je m'installe en terrasse en discutant avec deux cyclos. Partis de Pléneuf à l'aube ils font halte à Matignon pour le reste de la journée. Nous échangeons sur les pistes de la région quand la dame m'informe d'un bus de mer reliant Dinard à St Malo. Je termine la conversation en leur souhaitant une bonne continuation et garde cette information en tête. Je bois ensuite un café accompagné d'un pain au chocolat et d'un super cookie : j'avais encore un petit creux.

Je fais le plein d'énergie puis regarde les quatre Warmshowers auxquels j'ai écrit plus tôt dans la matinée. Seulement deux m'ont répondu et ne sont évidemment pas disponibles. J'appelle les deux autres, qui sans surprise, sont à leur tour indisponibles : je suis maudit. Ce site ne marche pas avec moi c'est une certitude. Une petite idée me trotte alors dans la tête : pour ne pas passer une nuit très moyenne sous la flotte, je pense continuer jusqu'à St Malo cette aprèm en empruntant la navette fluviale. En plus, l'itinéraire du guide fait un gros détour pas franchement motivant. Grâce à ce raccourci improvisé, je gagnerai un temps précieux et serai à St Malo un jour en avance. Tout est clair dans mon esprit et j'appelle l'auberge qui accepte de décaler d'une journée mon séjour. Il est 16h et la dernière navette part à 18h10. Je dois donc boucler les 25 km jusqu'à Dinard dans le temps imparti. Il n'y a pas une minute à perdre ! Je remonte en selle et sors sur-le-champ de Matignon. La piste, en longue ligne droite descendante, m'aide dans mon avancée et je file à toute vitesse à plus de 30 km/h. J'enclenche pour la première fois depuis longtemps le deuxième plateau et fonce à travers la campagne. Je sens que j'ai encore de bonnes jambes et n'hésite pas à relancer la cadence. Mon cœur palpite à l'idée de réussir ce petit défi contre la montre : l'adrénaline monte en moi. Je roule sur un minuscule bout de voie verte, traverse un pont et quitte l'itinéraire à rallonge du guide. Je m'attaque alors à la redoutable départementale qui m'emmènera très rapidement jusqu'au point d'arrivée. Je me prépare mentalement à affronter les automobilistes fous et irrespectueux des vélos. Me voilà dessus : je fuse à 45 dans les descentes et seulement 5 dans les montées. Les dépassements de certains énergumènes sont plus que limite mais je reste concentré. Après une petite portion limitée à 90 km/h (l'enfer du vélo), le GPS m'indique une arrivée à 17h25 à l'embarcadère. Je file dans la ville et récite ma partition à la perfection : je suis maintenant expert pour naviguer dans l'environnement urbain. Il est 17h20 lorsque je suis devant le guichet : défi réussi avec brio ! J'achète mon billet et souffle un grand coup en attendant sur la jetée.

C'était juste mais c'est passé et je suis content de ma performance. Je profite de l'attente pour discuter avec une sympathique dame s'apprêtant aussi à prendre le bateau. Elle me fait rire et me renseigne sur les visites à effectuer à St Malo. Au bout de vingt minutes je monte à bord de la navette et attache solidement mon vélo au pont inférieur. Je monte ensuite sur celui du dessus puis nous partons directement de Dinard. En à peine dix minutes je suis de l'autre côté : St Malo me voilà ! Tout tranquillement, j'enlève mes vêtements de pluie dans un toilette publique et pars retirer mes colis en centre-ville. J'ai prévu quelques nouveautés sur le vélo pour la suite du périple. J'arrive à l'auberge à 19h20 et boucle une étape de 89 km. Aujourd'hui, je suis allé d'imprévus en imprévus en ajustant ma route. Je me savais en forme ce qui m'a permis de sereinement monter en puissance sur cette piste bretonne. Je m'installe calmement dans ma chambre où je suis de nouveau tout seul : le covid, ça n'a pas que du mauvais. Le repos va faire du bien et je commence avec une super douche. Le soir, je vais manger un tacos qui me cale l'estomac et rentre doucement à l'auberge. Je n'oublie pas mon saint rituel très important au vu des km parcourus ce jour.

Demain, c'est repos. Je me ravitaillerai le matin et reverrai une connaissance le midi. L'aprèm, je visiterai St Malo qui a tout l'air d'une ville charmante.