"J'ai bien entamé ma deuxième moitié de Tour de France en dépassant hier le cap des 3000 km"


Ce matin, je me réveille parfaitement à 6h30. J'ai passé une agréable nuit et me sens bien reposé. Il a un peu plu mais le vent, qui souffle encore très fort aujourd'hui, a déjà tout séché. Je sors de ma tente pour faire une petite toilette puis bois mon café chaud. Je replie ensuite les affaires en écoutant "Good Faith" de Madeon qui me met de bonne humeur. La maison voisine accepte gentiment de remplir mes gourdes et je décolle à 8h20. Au départ de l'étape mon téléphone affiche 95 % de batterie : ça ne va pas être la même histoire qu'hier. Je vais pouvoir rouler sereinement et même prendre des photos.

Je continue sur le tracé via des petits sentiers situés au milieu d'immenses exploitations agricoles. J'ai une ligne d'horizon de choix : le ciel est parsemé de nuages en dégradé de blanc, gris et bleu, éclairés par le soleil. Je photographie ce beau tableau avant de subir, tenez vous bien, une violente averse de grêle. Je ne m'en rends pas tout de suite compte et suis étonné que la pluie ricoche sur le sol. Je me stoppe directement lorsque le grain s'intensifie et réalise ce qu'il se passe : des milliers de grêlons tombent du ciel et me fouettent les jambes et les bras. L'averse dure à peine une minute mais elle suffit à me bien mouiller et me donner froid. Je repars donc dans le but de me réchauffer et coupe à travers champ car des tracteurs agricoles bloquent le passage. J'arrive alors au niveau de la Manche et suis émerveillé par les alentours : un chemin côtier en gravette se profile le long des falaises sauvages. La suite n'est pas mal non plus étant donné que ce dernier m'emmène au-dessus d'Arromanches les Bains. Je suis de nouveau face à un très joli tableau : les plages du débarquement et les rochers abruptes défient la mer dans une lumière scintillante. J'immortalise l'instant et descends jusqu'au village par le sentier. Je tombe immédiatement en face du musée du débarquement et après plus de 50 jours de voyage à vélo sans visites, je me laisse tenter.

J'apprécie beaucoup l'histoire de la seconde guerre mondiale ce qui me donne envie d'en savoir plus sur cet événement historique. Avec l'accord des gérants, je gare mon vélo dans l'enceinte de l'établissement et commence la visite. Je contemple de magnifiques maquettes, armes, vêtements et objets illustrant à la perfection la réalité de l'époque. Ensuite, j'en apprends davantage sur les aspects maritimes de l'opération du débarquement : des énormes caissons de béton étaient installés en mer pour casser les vagues. De plus, certains d'entre eux servaient à décharger les bateaux et des ponts sur l'eau étaient aménagés pour faire passer les hommes et les vivres jusqu'au rivage. Il s'agissait là d'une opération d'une ampleur colossale. Je ressors au bout de trente minutes, content de ce que j'ai vu et appris. Après cette halte instructive, je remonte partiellement en selle car je pousse mon vélo dans côte à 15 % : j'ai l'habitude. Je m'oriente plus au Sud ce qui me permet de filer grâce au vent de dos. Ce n'est pas la même histoire lorsqu'il faut que je remonte vers Courseulles sur Mer... Cet élément doté d'une force surpuissante projette de violentes rafales contre mon vélo qui font aisément bouger ses 50 kg. J'avance complètement au ralentie et mouline tant bien que mal jusqu'à changer d'orientation. Finalement, je repique à l'Est sur des routes goudronnées et atteins sans problème le village.

Je m'octroie un petit repos à l'abri du vent dans un bar en buvant un café chaud. J'en profite pour écrire les aventures et constate que j'ai roulé presque 40 km : l'après-midi s'annonce tranquille. Je vais ensuite manger au bord de mer en m'installant sur une terrasse inutilisée. La vue est sympathique mais la température du vent un peu moins. Je finis donc mon repas avec mes gants et quitte les lieux à 13h15 pour me réchauffer en roulant. Le tracé change un peu de ce matin puisqu'il longe les bords de la Manche en passant à travers de nombreux lotissements. Cette aprèm, j'ai le droit à tous les types de goudrons non carrossables. Les voies au bord de l'eau sont très mal entretenues et mes sacoches claquent toutes les 5 secondes à cause des multiples trous. J'en prends vite marre et ralentis la cadence pour limiter les chocs. Le vent est toujours autant en forme mais il me gène moins car je roule plein Est en direction de Ouistreham. S'il ne fait pas tout le temps le bonheur des cyclos, il a au moins le mérite de faire celui des kitesurfeurs qui en pleine mer s'essayent à de nombreuses figures. Je finis l'étape de manière détendue en atteignant Ouistreham vers 14h45. Il y a énormément de monde au bord de la plage et j'apprends qu'un festival d'anciennes motos s'y déroule. Je passe vite au milieu de la foule et file au Mcdo' faire recharger mes équipements. J'ai beau parfois critiquer leur nourriture, j'admets que leurs restaurants sont bien équipés. En attendant je bois un cappuccino et écris un moment. Je regarde ensuite les coins pour la nuit disponibles dans le secteur et pense remonter au bord de la Manche : j'en ai repéré plusieurs qui pourraient convenir.

Je pars à 17h et reviens sur les lieux du festival toujours bondé de monde : j'ai un mauvais pressentiment. Je fais plusieurs tours, observe, hésite, puis installe le camp. L'emplacement que je choisis me parait idéal malgré le fait que je ne me sente pas hyper à l'abri. J'ai le temps de manger avant que le pire ne se produise : la police municipale fait sa ronde du soir et m'interdit de rester là pour cette nuit. C'est rageant car je ne gêne strictement personne. J'ai beau négocier de quelque façon que ce soit ils ne veulent absolument rien savoir et s'en vont après m'avoir plus ou moins menacé. Résigné, je commence à ranger ma sacoche de nourriture et m'aperçois d'une chose : après la journée de vélo contre le vent je n'ai plus la force de tout démonter pour remonter ailleurs. Désespéré, je vais demander de l'aide à l'entourage mais n'obtiens rien de bien concret. Je suis dos au mur et dois à tout prix prendre une décision. C'est un pari contre le diable mais je choisis de rester en priant très fort ma bonne étoile pour que ça passe. J'espère que je vais quand même réussir à dormir. Je me couche à 21h30 la tête pleines de doutes. Je dors un moment et suis toujours au chaud et à l'abri du vent dans mon duvet : il est 23h.

Demain, si je ne suis pas au poste de police, je roulerai en direction de Deauville et ne serai plus qu'à un seul jour du Havre et de mon repos.