"Le pont de Normandie enjambe l'estuaire de la Seine et décroche en 1994 le record du monde du plus long pont à haubans avec ses 2141 mètres. Il est réputé pour être la bête noire des cyclos à cause de son accès compliqué et sa traversée sous haute tension"


Ce matin, je me réveille tranquillement à 7h30. J'ai bien dormi à l'abri du vent sous la tente mais pour une raison inconnue j'ai un peu mal à la tête. Je prends donc un doliprane en buvant mon café chaud. Aujourd'hui le ciel est enfin dégagé et un beau soleil me motive pour la nouvelle journée de pédalage qui se profile. Le vent, moins en forme qu'hier, est toujours présent et m'invite à m'habiller chaudement. J'enfile donc pour la première fois du voyage mon cuissard long pour ne plus avoir froid en roulant et en m'arrêtant. Je replie ensuite le campement en musique avant de charger le vélo. Dans la foulée je quitte ce camping, beaucoup trop cher pour ce qu'il est, à 9h20. C'est parti pour une matinée en direction du pont de Normandie !

J'allume mon tracé, avance un moment et repère rapidement que la piste est dotée d'indications. Je le mets donc en pause et me laisse guider au milieu des nombreuses forêts de la région. Ce matin la route est assez agréable et je roule sur un revêtement goudronnée bien lisse. Comme d'habitude, je mouline pendant une vingtaine de minutes pour me chauffer les cuisses puis arrive au village de Pont l'Évêque vers 10h. Je passe devant son joli cloché que je photographie et continue en traversant quelques lotissements. Pas de bol car je m'y perds faute d'indications cohérentes. Ces dernières sont censées m'emmener sur une voie verte. Pendant plus d'un quart d'heure je cherche le début de la voie avant de passer au-dessus. Malheureusement je n'y ai pas encore accès et je ne veux pas rebrousser chemin. Après de courtes investigations je déniche un minuscule passage en forte pente m'amenant en plein dessus : je repère directement qu'il s'agit d'une ancienne voie de chemin de fer. C'est parti pour 20 minutes de faux plat montant. C'est long et monotone mais je pédale à un bon rythme et termine vite cette portion. J'entre alors dans le tout petit village de St André d'Hébertot avant qu'une côte à 10 % me souhaite la bienvenue. Une fois de plus, je pousse mon vélo. Arrivé au sommet le plat reprend ce qui me permet de récupérer. Pour l'instant, je suis content de mon cuissard long qui me coupe du vent frais. Ce dernier souffle encore fort aujourd'hui et il m'est difficile d'avancer convenablement lorsque je me dirige au Nord-Ouest.

Je poursuis ma route sur une longue partie descendante où je file à plus de 35 km/h. En bas, une nouvelle bifurque non fléchée me retarde. Mon tracé m'aide à y voir clair et j'ai enfin le pont de Normandie en ligne de mire vers 11h45. Je termine quelques portions de départementale puis m'arrête à Rivière St Sauveur. Je mange dans un vaste parc au soleil et écris le récit des aventures. Je repars ensuite pour la traversée de la journée ! Avant le voyage je m'étais renseigné sur sa faisabilité à vélo et avais conclu qu'elle 'était mal indiquée et assez dangereuse. C'est donc avec une grande concentration que je devrai franchir ce nouvel obstacle. Je me dirige vers le pont et plus précisément vers un potentiel point d'accès que j'ai repéré sur Maps. Du premier coup je tombe au bon endroit et me congratule pour ce coup d'œil d'aigle. Je passe d'abord en-dessous du pont puis emprunte un passage pour vélo qui me conduit dessus. Tout de suite, je comprends pourquoi il est tant redouté : les camions et les voitures défilent à toute vitesse à côté de la petite voie vélo qui ne comporte pas de rambarde de sécurité. J'attends au moins 2 minutes que le flux incessant de camions se calme, souffle un grand coup et m'élance.

Je mouline très fort pendant 10 minutes pour atteindre le milieu. Les camions me frôlent de quelques centimètres et je subis de violents appels d'air me faisant dévier de ma trajectoire. Je sers le guidon de toutes mes forces pour maintenir le bon cap et déchausse une pédale au cas où je serai déséquilibré. La manœuvre est dangereuse et je me concentre au maximum pour ne pas commettre d'erreur. La limitation de 70 km/h me paraît bien trop élevée pour assurer une sécurité de passage optimale des usagers tierces. Dans tout ce vacarme le vent s'invite à la fête et souffle en puissantes bourrasques qui me font aussi vaciller. J'arrive finalement au centre de l'édifice et remercie Dieu d'être encore en vie. Je choisis alors la voie de la raison et décide, pour la descente, de rouler sur la section piéton aménagée d'une rambarde. À vélo et au milieu de tout ce trafic c'est vraiment trop limite et je ne veux pas risquer plus longtemps de me faire renverser. Je descends très prudemment la deuxième partie et en termine pour de bon avec ce pont : quelle traversée ! Je savais que cela n'allait pas être de tout repos et je ne suis pas surpris des forces laissées dans la bataille. Malheureusement ça ne s'arrête pas là puisque je passe les 15 derniers km jusqu'au Havre dans les camions. J'emprunte pourtant une voie cyclable à la sortie du pont qui se stoppe subitement au bout d'environ 2 km. Après 20 longues minutes elle réapparait enfin pour l'arrivée en ville : c'est vraiment trop limite. Construire des routes pour voitures n'est pas un problème mais pour les vélos, c'est une autre histoire : nous vivons dans un drôle de monde. Heureusement que les camions sont prudents et respectent la distance de sécurité lors de leurs dépassements.

J'atteins finalement le Havre à 15h et souffle de nouveau un grand coup : c'était une fin d'étape sous haute tension ! Je suis content d'être arrivé en un seul morceau. Maintenant, place au bon repos qui se profile à l'horizon. Mon shower n'est pas disponible avant 18h et j'ai du temps devant moi. Je ne rate donc pas l'occasion de me poser tranquillement en terrasse, au soleil, en savourant un super combo à base de pain au chocolat, éclair au café et cappuccino. C'est excellent et je profite de cette pause bien méritée après les 63 km du jour. J'écris un long moment puis peaufine le blog : je réagence le tracé de mon parcours qui suit désormais plus précisément la route empruntée. Je file ensuite chez Sabine et Etienne où je resterai deux nuits. Leur maison est à quelques minutes du centre-ville et j'y suis rapidement. Étienne m'accueille chaleureusement avec Lola leur petite fille de 2 ans. Ensemble ils me font visiter la maison : c'est grand et calme. Le repos s'annonce particulièrement agréable et je monte mes affaires quand Sabine arrive. Je discute un moment avec elle avant déballer mon matériel dans la chambre. Lola, très intriguée par ce qu'il y a dans mes sacoches, m'aide à m'installer : ça me fait beaucoup rire. Je lance ensuite une machine et prends une vraie douche chaude.

Le soir, ils m'offrent le repas et je me prépare une gigantesque assiette de légumes agrémentée de pâtes et de riz : le froid du Nord ça creuse. Une fois repu je discute un long moment avec eux en buvant une infusion à la verveine et en dégustant des carrés de chocolat noir. On parle vélo et voyage puis je leur explique plus en détail l'itinéraire qu'il me reste à parcourir. Je ne suis pas le seul baroudeur de la maison car il y a 4 ans ils ont traversé l'Amérique à vélo pendant 20 mois : je suis bluffé. Je me sens ridicule avec mes presque 2 mois de voyage et je les questionne sur les différents équipements qu'ils utilisaient. Je suis content d'échanger avec des personnes d'une aussi grande gentillesse et je les remercie pour le repas. Je leur souhaite une bonne soirée puis monte étendre mes vêtements dans ma chambre. Le rituel passe évidemment dans les parages et j'écris peu avant de me coucher.

Demain, c'est avec sérénité que je me reposerai au Havre avec peu d'activités au programme :)