"Quelle sensation délicieuse que celle de passer, en 5 minutes seulement, de l'état sec à l'état trempé"


Ce matin, je me lève à 6h30 sans entendre mon réveil : j'ai oublié de le mettre hier soir mais me suis quand même réveillé dans les temps. Ceci est la preuve que mon corps est correctement habitué au rythme du voyage. J'ai assez bien dormi, pourtant je ressens quelques douleurs au bas du dos et au postérieur. Je prends donc un doliprane en même temps que mon café qui me réchauffe de bonne heure. Aujourd'hui, le vent est de sortie et souffle du Nord-Ouest : l'air est frais. Il a légèrement plu dans la nuit et la tente est mouillée. Pas d'inquiétude car le vent la séchera dans l'après-midi. Je replie les affaires puis charge le vélo avant de remplir mes gourdes au sanitaire. Une petite averse, pas franchement agréable de bon matin, se met à tomber. Elle ne m'atteint pas moralement et j'entame l'étape direction Saint Lô à 8h30 en prenant le long du chemin de halage.

Je suis les bords sauvages de la Vire et passe entre champs et forêts. Je mouline convenablement pendant une trentaine de minutes pour bien récupérer du gros effort d'hier. J'ai quand même fait 70 km et en prévois autant pour l'étape du jour. La seule différence sera que je dormirai au camping ce soir dans le but de couper ma semaine de vélo en deux. Cet arrêt stratégique, à mi-distance du Havre, me permettra de préparer au mieux la deuxième moitié du trajet. J'en reviens à la piste qui me fait subitement prendre une série de lacets en montée : j'ai l'impression d'être sur la version miniature de ceux de l'Alpe d'Huez. Je mouline fort pour les franchir et continue le long des eaux paisibles de la Vire. Depuis le début du voyage, je suis habitué à évoluer le long des canaux et je m'y sens presque chez moi. Je suis le fil de l'eau en croisant quelques vélos ainsi que beaucoup de gens en balade qui promènent leur chiens. Ils sont respectueux et garde leur animal près d'eux lors de mon passage. À 10h30 j'atteins Saint Lô et vais à la mairie en pensant aller à l'office du tourisme : mon guide s'arrête à Carentan et il me faut des cartes pour les quatre autres départements qu'il me reste à parcourir sur l'EV4. Évidemment, la dame me dit qu'elle n'a pas ce qu'il faut et je m'aperçois que je ne suis pas dans le bon établissement : où avais-je la tête ? Sûrement déjà au café que je bois quelques minutes plus tard sur une terrasse ensoleillée.

Je prends mon temps en discutant avec deux sympathiques messieurs attablés à côté de moi. Ils me posent plusieurs questions sur le voyage et je leur réponds avec plaisir. Ils me payent même le café et je les en remercie. Je relis ensuite le récit d'hier en dégustant un pain aux raisins. Il est 11h30 quand je repars cette fois au bon office du tourisme. J'obtiens alors ma précieuse carte des voies cyclables du Calvados et reprends le chemin de halage. Le vent souffle un peu plus fort et je suis content de m'être bien habillé aujourd'hui. Les alentours sont toujours aussi sauvages et j'arrive vite à Pont Hébert vers 12h30 pour manger dans une aire de pique-nique. J'apprécie mes sandwichs puis fais une rapide sieste tant que le soleil est voilé. J'écris un moment les aventures et remonte aussitôt sur mon vélo en direction de Carentan. Le vent, cette fois plus violent, me déstabilise par de puissantes bourrasques. Je l'ai un peu de dos ce qui me permet de filer jusqu'à St Fromond. Je bifurque à l'Est et entame le dernier tronçon de la journée. Le ciel est menaçant et j'ai un mauvais pressentiment. J'enfile instantanément ma cape lorsque quelques gouttes se mettent à tomber. Je fais bien car 5 minutes plus tard, c'est le déluge. Une radée d'une extrême violence s'abat sur moi et malgré ma cape j'ai les pieds et les mains trempés. Il pleut très fort ce qui m'empêche totalement d'avancer : je ne vois strictement rien. Je tourne à un croisement et poursuis la route qui déboule sur un cul-de-sac : encore une bonne nouvelle. Je m'abrite comme je peux sous des arbres et passe alors mon meilleur début d'aprèm depuis le début du voyage : je suis trempé et perdu.

J'attends que le grain cesse et rebrousse chemin jusqu'au carrefour. Je constate alors que le panneau indiquant Carentan est très mal placé ce qui porte à confusion. Après ce mauvais détour d'une vingtaine de minutes, j'emprunte finalement la bonne route et roule dans l'unique but de prendre une douche chaude une fois arrivé au camping. Il me suffit de presser mes mains pour que mes gants dégoulinent : c'est génial. J'avance rapidement pour me réchauffer et passe au milieu de la campagne. Entre-temps, la pluie se calme et j'entrevois presque la fin du calvaire. Un dernier chemin composé de terre et cailloux me fait peiner et j'arrive enfin à Carentan : il est 16h10. Je souffle un instant à l'abri puis vais me ravitailler en fruits, pain et sucres rapides. Je m'offre même un petit plaisir en achetant du chocolat pour me consoler du mauvais temps. Je fais ensuite un saut à la pharmacie pour m'équiper en pommade et file au camping. Entre deux averses, je monte la tente et saute dans la douche. Je dois avouer que celle-ci est particulièrement agréable et je fais couler l'eau un certain temps. Une fois tout propre, je mange un super repas pour reprendre des forces : j'ai quand même bouclé une étape de 80 km. Après plus de 50 jours de privation je redécouvre le goût du chocolat : c'est exquis ! J'ai l'impression d'avoir gagné un confort de Koh-Lanta : serais-je le dernier à tenir en équilibre sur mon vélo ? Je me fait rire tout seul puis "ritualise" au chaud dans les sanitaires. Je rentre finalement dans ma maison mais ne dors pas tout de suite. Il faut encore que je prévois mon trajet jusqu'au Havre. C'est le déluge dehors et le combo pluie-vent se déchaîne. Je termine mes activités et m'endors d'une masse après cette éprouvante journée.

Demain je l'espère, sera un autre jour. Selon mes prévisions, je devrai atteindre Bayeux sans problème et chercherai un coin top pour la nuit dans ses alentours.