"Il est long, fourbe, monotone, souvent inintéressant et on n'en voit pas le bout : bienvenue sur la géniale piste en faux plat montant"


Le réveil sonne à 6h30 ce matin. Je traîne à sortir du duvet puis me lève au bout de cinq minutes : je suis encore un peu décalé de mon jour de repos à St Malo. Ceci est normal et je devrai doucement reprendre le rythme au fil de la semaine. Je sors de la tente et constate qu'il fait très doux. J'ai quand même enfilé ma polaire pour rester au chaud et je bois mon café avec des gâteaux au miel-chocolat. J'effectue assez vite le repliage des sacoches et suis prêt à 8h20 pour la suite des aventures. Je pars de ce superbe emplacement en faisant un petit crochet au sanitaire pour l'eau, avant de quitter Beauvoir.

Je plonge alors en pleine campagne et assiste aux majestueuses rondes matinales des oiseaux au-dessus des champs de cultures. Les alentours sont paisibles et j'apprécie toujours autant de rouler à l'aube. J'avance sur route goudronnée et aussi tôt dans la journée, je ne croise que très peu d'automobilistes. La plupart du temps la piste est plate, sauf dans les villages où des petites côtelettes entre 2 et 7 % me font doucement rire : rien à voir avec l'enfer de la côte. Mes jambes sont maintenant formées pour les montées et je les franchis avec aisance. Je passe ensuite par les villages de Huisnes sur Mer et de Courtils assez bien fléchés. Cependant, je reste vigilant car certains panneaux sont placés à des endroits peu visibles. J'arrive enfin au niveau de la Manche et retrouve la grande baie du Mont St Michel. Les moutons broutent en paix dans les vastes étendues d'herbe du secteur. Je m'arrête pour immortaliser l'instant et me moucher. Ce matin, ce n'est pour une fois pas la piste qui fait des siennes mais bien mon nez. Il coule sans arrêt et me moucher en roulant n'est pas toujours voué au succès. Je continue jusqu'aux portes de Pontaubault quand la voie partagée laisse place à une superbe voie verte en gravette. Je me dirige à Ducey et rencontre en chemin un monsieur sur un beau vélo de cyclo-randonnée : nous discutons ensemble un moment. Il va jusqu'à St Hilaire aujourd'hui et nous évoquons l'ivresse des premiers voyages à vélo. Le même ressenti si particulier nous rend tous les deux nostalgique : se retrouver au milieu de nul part, à plusieurs jours de chez soi, sans retour en arrière possible. C'est précisément ce dernier qui fait toute la beauté du périple. Après cette discussion riche en émotion, je le quitte à Ducey et m'enfonce dans le village pour boire un café.

Je trouve une agréable terrasse en plein cœur du marché et reste un long moment attablé. J'en profite pour écrire le récit de la veille et regarder les prévisions météo : la pluie n'est pas au programme du jour mais plutôt pour ceux à venir. Je repars à 11h30 et renquille sur la voie verte. Étant donné que la piste est droite, j'allume l'enceinte et écoute une de mes playlists préférées : j'ai l'impression d'être à la maison. Je roule encore une trentaine de minutes avant de tomber sur un bon coin pour ma pause repas situé à la gare du Pont d'Oir. Des petites plaquettes informatives sont disposées sur les tables et content l'histoire des lieux. C'est intéressant et je lis un moment : le 1er août 1944, une bataille opposant chars alliés et allemands éclate et la gare résiste au pilonnage. Je me rappelle alors qu'en traversant la Normandie, je vais passer par de nombreux lieux qui ont vécu la seconde guerre mondiale : je suis chanceux. Je mange mon repas et fais une agréable sieste au pied d'un arbre : ça faisait longtemps. J'écris ensuite les aventures et pense rouler jusqu'à Mortain Bocage aujourd'hui. Après ce bon repos, je remonte en selle en direction de St Hilaire du Harcouët. J'ai évidemment remis la musique et plusieurs rayons du soleil profitent de l'après-midi pour éclairer la forêt. Il fait encore très doux aujourd'hui et je n'ai pas froid. La journée continue et je ne croise quasiment personne à part des écureuils sauvages traversant de temps à autre le chemin. Je poursuis tranquillement ma route sur plusieurs kilomètres avant de commettre une erreur.

Je ne l'avais pas remarqué tout de suite mais la piste est en faux plat montant. La cadence de pédalage que je tiens n'est donc pas adaptée et je commence à montrer des signes de fatigue. Immédiatement, je baisse de régime et reprends progressivement mon souffle. J'atteins le village d'Isigny le Buat puis continue mon parcours. La piste est bordée de deux grosses rangées d'arbres qui cachent le paysage extérieur. Par moment la luminosité est si faible que je dois plisser des yeux pour choisir la bonne trace : je roule en terrain miné car la route est recouverte de châtaignes. Heureusement, je parviens pratiquement à toutes les esquiver et avance sereinement. Je dépasse St Hilaire assez vite en fusant à 30 km/h dans les quelques portions descendantes. Il est seulement 14h30 et je décide de poursuivre en direction de Mortain. Je m'apprête alors à vivre la partie la plus fatigante de la journée. Le faux plat montant repointe le bout de son nez sur plus d'une dizaine de km. C'est très long et je n'en vois pas le bout : je fatigue. À 15h30, j'arrive enfin à la bifurque entre la Vélomaritime et la Véloscénie, qui elle se dirige vers Paris. Je prends évidemment la suite de l'EV4 et monte plein Nord. J'atteins Mortain dans la foulée et trouve un emplacement idéal, en bord de voie verte, au village de Neufbourg. J'en fais un rapide tour et remarque qu'il n'y a pas de toilette publique. Cela ne m'embête pas et je vais recharger mon eau au cimetière. Je fais ensuite sécher mes équipements à peine mouillés de la rosée du matin. Une fois secs, je monte le camp et mange un très bon repas à base de tomate, semoule et fromage. Je termine la journée par mon saint rituel avant de rentrer tôt dans ma tente.

Demain, j'espère atteindre Pont Farcy et ainsi réaliser une importante avancée au Nord :)