"Le menu vélo du jour se compose : d'une entrée automnale avec de la pluie ; d'un plat sachant refroidir les plus chauds composé essentiellement de vent du Sud-Ouest ; le meilleur pour la fin avec un dessert hivernal accompagné de son froid qui vous glacera les doigts"


Ce matin je me réveille à 6h30 après une bonne nuit de sommeil. Je bois ma boisson favorite en mangeant mes flocons d'avoine ce qui me donne le peps nécessaire pour cette nouvelle journée. Je replie le campement avant de m'intéresser aux prévisions météo. Rien de bon est annoncé pour aujourd'hui et j'enfile immédiatement mes vêtements de pluie. Je fais bien car 5 minutes plus tard mes mains et mes pieds sont déjà trempés avant même que je monte sur le vélo. De violentes rafales soufflent du Sud-Ouest et projettent la pluie dans tous les sens. Je pars à 8h45 sans la moindre visibilité : c'est "aqualand" sur mes lunettes.

J'ai mis le très important gilet de sécurité pour être visible en toutes circonstances. Je progresse un moment sur la départementale avant de bifurquer sur l'EV4. La piste est trempée et je roule littéralement sur l'eau. Je me concentre pour garder l'équilibre et suis prudent lors de mes changements de direction. Sans surprise, j'obtiens un super panorama des environs composé de gris, de pluie et de vent : le bonheur visuel et corporel. Contre toute attente j'ai une petite éclaircie vers 10h au village de St Quentin en Tourmont qui me redonne le sourire. Les brefs rayons du soleil m'invitent à continuer de braver les éléments. Depuis plusieurs minutes j'avance sur une voie cyclable pour le moins particulière : en Somme ils ont eu la mauvaise bonne idée d'insérer des ralentisseurs pour vélo tout les 200 mètres. Il faut dire que j'apprécie beaucoup le fait que mes sacoches tremblent toutes les dix secondes. J'irai bien dire deux mots à la personne qui a construit la piste. Bref. Entre-temps un fou du volant me frôle et je m'énerve un tout petit peu. Cet inconscient trouve le moyen d'être dangereux comme si le vent, la pluie et le froid ne suffisaient pas : à ce niveau là j'appelle ça de l'incivilité. Je tourne à Fort Mahon et repique sur la départementale en longue ligne droite.

J'entre pour la première fois du voyage, et de ma vie, dans le Pas de Calais. Quelle première sous ces conditions climatiques particulièrement difficiles ! J'atteins ensuite le bourg de Waben et bifurque à l'Ouest en direction de Berck. Je roule pendant 15 minutes, débarque en ville et me stoppe devant une boulangerie-pâtisserie aménagée de tables pour se restaurer. Je n'hésite pas et fonce à l'intérieur me reposer après 38 km éprouvant. Je fais un point sur la situation en regardant jusqu'où j'irai ce soir. Je n'ai pas trop envie de dormir sous la pluie dans une tente humide. Je navigue donc sur Warmshowers et me renseigne sur les hébergements potentiels après Boulogne sur Mer. Ce n'est pas la porte à côté mais comme que je suis trempé autant rouler. En plus, vu la météo, je ne rate pas grand chose au niveau du paysage. J'appelle Eric et Sylvie habitant Wimereux qui me reconfirment leur disponibilité dans l'heure qui vient. C'est parfait et je profite de ce laps de temps pour manger à l'abri de mes ennemis du jour. Je trouve un super sanitaire de camping idéal pour recharger mes batteries. À 12h30 j'ai la confirmation d'Eric mais je dois arriver avant 16h à la maison. Passé cette heure ils s'en vont à Calais voir un spectacle et reviennent trop tard pour m'accueillir. J'ai donc 45 km à boucler dans le temps imparti. Je me connais moi et ma soif de défis pimentés : je n'attendais que ça pour remettre le moteur de la Fus-Go en marche. C'est parti ! Je décolle à 12h40 sur mon autoroute du jour : la départementale 940.

Cette fois, fini les détours interminables le long de la côte via l'EV4 et place aux lignes droites de l'infini. Je fuse avec le vent de dos à plus de 30 km/h. Accompagné de la pluie ce dernier ne décolère pas mais je reste motivé : une incroyable douche chaude avec un bon lit m'attendent à l'arrivée. Je relance la cadence et n'hésite pas à me donner au maximum. Après avoir roulé tranquillement en début de semaine je prends un sacré plaisir à appuyer sur les pédales. Sans transition, je passe les villages de Merlimont, Cucq, Étaples, Camiers, Dannes, Condette, Isques et déboule à Boulogne sur Mer. Une voie cyclable est aménagée au bord de la route mais je ne l'emprunte pas pour deux raisons : elle est inondée et parsemée de débris. À la vitesse à laquelle j'avance, y rouler serait donc simplement une perte de temps. Certains énergumènes motorisés ne comprennent pas cela et klaxonnent de manière complètement stupide. Voici une belle preuve de l'intelligence hors du commun de ces derniers (oui je n'aime pas les automobilistes). Leur comportement serait certainement différent s'ils savaient ce que représente le fait de rouler avec un vélo aussi chargé sous de telles conditions. Passé 70 km au compteur, je lève un peu le pied pour finir sereinement l'étape. Je rentre dans Boulogne sur Mer et en ressors aussitôt en direction de Wimereux. J'entame une grosse montée suivie d'une descente où je réalise mon record de vitesse du voyage : 67,2 km/h. Le village est juste à son pied et j'y entre calmement.

Il est 14h45 et j'ai bouclé les 45 km en à peine deux heures : je me suis bien donné. Je termine l'étape avec 88 km au compteur et savoure mon repos chez Eric et Sylvie. Ils m'accueillent chaleureusement et nous buvons le café ensemble. Nous discutons un instant de vélo, voyage et des conditions météo exécrables du jour. Je vais ensuite prendre une divine douche puis lance une lessive. Mes hôtes partent voir leur spectacle pendant que je goûte en me reposant après les efforts du jour. J'écris sur le carnet un long moment et vais plier mon linge. Le soir nous dînons avec leur enfants une soupe de courge au fromage et quelques parts de pizza. C'est très bon mais comme j'ai beaucoup pédalé, j'ai encore faim. Je finis donc mes restes de thon, tomate, maïs et fromage. Ça devrait le faire pour la nuit et je m'en vais exercer mon rituel pendant qu'ils regardent un film. J'écris ensuite dans le lit avant de dormir.

Demain sera une journée capitale puisque je terminerai l'EuroVélo 4 et atteindrai enfin Calais :)