"Le passage du Gois relie l'île de Noirmoutier au continent et a la particularité d'être submersible lors de la marée montante. En ancienne langue, "Gois" signifie marcher en mouillant ses sabots"


Ce matin, j'ai les yeux ouverts à 4h30. L'humidité et la fraîcheur de la zone m'empêchent de dormir. Je parviens à somnoler jusqu'à 6h30 et commence d'actives recherches de magasins vendant des duvets plus chaud. Si je peux, dès demain je ferai le changement. Les nuits sont vraiment fraîches ces derniers temps et avec l'histoire de l'ivrogne d'hier j'ai bien perdu une heure de sommeil. Je me lève quand même à 7h et petit-déjeune tranquillement. Il n'y a pas un nuage dans le ciel : encore une belle journée qui s'annonce. Je range le campement et suis prêt à partir pour 9h. Avant cela, j'informe les usagers du potager qu'un imbécile est venu piétiner leurs cultures la nuit tombée. Ils me remercient et je parle un moment avec le responsable. C'est un monsieur sympathique qui me pose plusieurs questions sur l'apparence de l'individu. Je le décris comme je peux et pars enfin à 9h15.

Au vu de l'objectif que je me suis fixé, la journée va être difficile et je me prépare déjà mentalement à tout donner. Je prévois de passer le Gois à marée descendante pour ne pas être noyé sous les flots. Les horaires indiquent la basse mer à 12h43. Il faut donc que je sois à 12h30 grand maximum au passage pour le traverser sereinement. D'un bon coup de pédale, je sors de St Gilles Croix de Vie et longe la côte. J'arrive alors dans un premier bout de forêt en parfaite ligne droite : facile pour ma forme du moment. Le vent s'est calmé aujourd'hui et je suis enfin tranquille pour avancer. Rapidement, j'atteins St Jean de Monts et l'immense plage des Demoiselles : on croirait un décor de film tellement elle s'étend à perte de vue. Je fais une mini pause et repars aussi vite que je suis arrivé. La piste est extrêmement bien aménagée le long des quais et un large passage pour les vélos me permet de rouler à des vitesse de 26 km/h. Je longe les bords de la ville à folle allure et arrive sur l'obstacle du jour : la deuxième partie de la Forêt des Pays de Monts.

Elle commence par une grosse montée à 5 % qui m'indique la couleur. Pendant dix km, je ne prends pas vraiment de plaisir car la piste est entrecoupée tous les cinquante mètres de panneaux "cédez le passage". Je suis constamment obligé de ralentir et de couper mon effort. À la longue, c'est pesant sur les jambes et le moral. Je râle un peu mais ne décourage pas. Je déboule alors sur la suite du parcours qui m'enchante : pendant environ huit km la piste se montre enfin digne d'une vraie balade en forêt. À un rythme effréné, je roule au milieu des arbres et enchaîne les montées et descentes sans même avoir le temps de dire ouf ! Je double les autres cyclistes dès que j'en ai l'occasion et me rapproche un peu plus chaque secondes de mon objectif du jour. La technique de pédalage que j'utilise me permet d'économiser le plus d'énergie tout en étant le plus efficace possible : je me sers des portions descendantes pour prendre de la vitesse, et ajuste les rapports pour passer la côte suivante sans même forcer un seul instant. Ca marche la plupart du temps quand la piste est vallonnée de manière régulière. C'est le cas sur cette partie et je pousse les performances du vélo en prenant beaucoup de plaisir. Au-delà de la piste, mon vélo m'impressionne par sa robustesse : il répond du tac au tac à mon pilotage extrême. J'arrive au niveau du pont Sud de Noirmoutier et le traverse pour être à midi sur l'île : objectif accompli. Je vais maintenant pouvoir prendre le Gois sans encombre.

Je roule alors à une allure vacancière jusqu'au fameux passage. L'île est sauvage et de nombreux oiseaux se baignent dans les étangs dissimulés du paysage. Je prends quelques photos et entame ma traversée. Il y a beaucoup de voitures stationnées sur les bords du passage : les gens vont à la pêche aux crustacés. La route est très passante mais heureusement pour moi les véhicules avancent modérément. Le revêtement change tout les km : un coup en pavé, en goudron lisse puis en goudron détérioré. J'ai mal aux fesses lors des phases en pavés et roule à une allure d'escargot pour limiter les secousses. Au bout de trente minutes j'atteins la rive d'en face : j'ai bien pris mon temps pour apprécier la traversée. Je continue jusqu'au port du Bec et trouve un tout petit coin à l'ombre dans l'herbe pour manger. Il est 13h30 et j'ai super faim : je dévore mon repas. Après une bonne sieste, je relis le récit de la journée d'hier. J'en prends marre au bout de tente minutes car les tracteurs de la zone ostréicole me cassent les oreilles. Je repars donc et vais en direction de Bouin.

Je constate alors que la ville n'est pas directement sur mon itinéraire et y aller me fait faire un détour d'environ cinq km. Je décide donc de continuer plus loin au Nord jusqu'à Bourgneuf en Retz. Je passe au milieu de champs de maïs et d'éoliennes qui me font un moment oublier que j'ai plus de trois heures de vélo dans les jambes. Je me perds quelques fois et rate des panneaux d'indications placés à des endroits peu visibles. Je me suis beaucoup donné ce matin et réalise cette fin d'étape en mode pilote automatique : les jambes suivent mais la tête n'y est plus trop. Je veux une douche chaude, manger et dormir. Heureusement pour moi, le vent, pour une fois, m'aide en soufflant de dos. Je pense prendre un camping car je ne me sens pas la motivation de chercher un coin pour la nuit. Le manque de sommeil penche aussi dans la balance. J'arrive finalement à 17h et arrête le compteur qui m'affiche 78 km : quelle étape ! Je bois un excellent café et vais au camping à deux minutes plus loin. La saison des touristes est enfin terminée et les tarifs ont beaucoup diminués. Je suis le seul campeur de tout le camping : les autres résidents sont tous en mobil-home. J'ai donc droit à un superbe sanitaire privé : parfait pour un bon repos. Pendant de longues minutes je fais sécher une millième fois mes équipements et en profite pour laver le vélo. Je vais ensuite prendre une excellente douche et mange une assiette de riz à la provençale. Je termine la journée par un petit rituel et écris sur mon carnet avant de me coucher. Je suis bien fatigué et le sommeil m'emporte aussitôt chez Morphée.

Demain, je passerai Pornic le matin et essayerai de trouver un duvet plus chaud. Je ne serai alors plus qu'à un petit jour de vélo de Nantes :)